Dernières actualités : données personnelles

CJUE – Arrêt C‑507/23

En cas de violation de données, des excuses peuvent suffire à réparer le dommage moral, mais la bonne foi du responsable de traitement n’importe pas

Dans un arrêt publié ce jour, la Cour a d’abord rappelé qu’une violation de dispositions du RGPD ne suffit pas, à elle seule, pour constituer un « dommage », au sens de cet article 82, paragraphe 1. S’agissant de ce dommage, la CJUE a alors ajouté que : 
1- La présentation d’excuses peut constituer une réparation adéquate d’un dommage moral sur le fondement de cette disposition, notamment lorsqu’il est impossible de rétablir la situation antérieure à la survenance de ce dommage, pour autant que cette forme de réparation soit de nature à compenser intégralement le préjudice subi par la personne concernée.
2- Le RGPD s’oppose à ce que l’attitude et la motivation du responsable du traitement puissent être prises en compte afin, le cas échéant, d’accorder à la personne concernée une réparation inférieure au préjudice qu’elle a concrètement subi.

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CJUE – Arrêt C-200/23

L’avis des autorités de contrôle n’exonère pas les responsables de traitement de leur responsabilité en cas de violation de données

Dans un arrêt publié ce jour, la CJUE a estimé que:
1- L’autorité chargée de la tenue du registre du commerce d’un État membre qui publie, dans ce registre, les données à caractère personnel figurant dans un contrat de société soumis à la publicité obligatoire prévue par la directive 2017/1132, qui lui a été transmis dans le cadre d’une demande d’inscription de la société concernée audit registre, est tant « destinataire » de ces données que, notamment en ce qu’elle les met à la disposition du public, « responsable du traitement » desdites données, au sens de cette disposition, même lorsque ce contrat contient des données à caractère personnel non requises par cette directive ou par le droit de cet État membre.

2- Une perte de contrôle d’une durée limitée, par la personne concernée, sur ses données à caractère personnel en raison de la mise à la disposition du public de ces données, en ligne, dans le registre du commerce d’un État membre, peut suffire pour causer un « dommage moral », pour autant que cette personne démontre qu’elle a effectivement subi un tel dommage, aussi minime fût-il, sans que cette notion de « dommage moral » requière la démonstration de l’existence de conséquences négatives tangibles supplémentaires.

3- L’avis de l’autorité de contrôle d’un État membre, émis sur le fondement de l’article 58, paragraphe 3, sous b), de ce règlement, ne suffit pas à exonérer de responsabilité, au titre de l’article 82, paragraphe 2, dudit règlement, l’autorité chargée de la tenue du registre du commerce de cet État membre ayant la qualité de « responsable du traitement » au sens de l’article 4, point 7, du même règlement.

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CJUE – Arrêt C-621/22

Un intérêt commercial du responsable du traitement peut constituer un intérêt légitime sous certaines conditions

Dans un arrêt publié ce jour, la CJUE a estimé qu’un traitement de données à caractère personnel consistant en la communication à titre onéreux de données à caractère personnel des membres d’une fédération sportive, en vue de satisfaire à un intérêt commercial du responsable du traitement, ne peut être considéré comme étant nécessaire aux fins des intérêts légitimes poursuivis par ce responsable, au sens de cette disposition, qu’à la condition que ce traitement soit strictement nécessaire à la réalisation de l’intérêt légitime en cause et que, au regard de l’ensemble des circonstances pertinentes, les intérêts ou les libertés et les droits fondamentaux de ces membres ne prévalent pas sur cet intérêt légitime. Si ladite disposition n’exige pas qu’un tel intérêt soit déterminé par la loi, elle requiert que l’intérêt légitime allégué soit licite.

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CJUE – Arrêt C-548/21

L’accès de la police aux données contenues dans un téléphone portable n’est pas nécessairement limité à la lutte contre la criminalité grave

Dans un arrêt publié ce jour, la CJUE rappelle que l’accès à l’ensemble des données contenues dans un téléphone portable peut constituer une ingérence grave, voire particulièrement grave, dans les droits fondamentaux de la personne
concernée. Elle estime néanmoins que considérer que seule la lutte contre la criminalité grave est susceptible de justifier l’accès à des données contenues dans un téléphone portable limiterait indûment les pouvoirs d’enquête des autorités compétentes. Il en résulterait un accroissement du risque d’impunité pour des infractions pénales en général et donc un risque pour la création d’un espace de liberté, de sécurité et de justice dans l’Union.

Cela étant, une telle ingérence dans la vie privée et la protection des données doit :
1- Être prévue par la loi, ce qui implique que le législateur national doit définir de manière suffisamment précise les éléments à prendre en compte, notamment, la nature ou les catégories des infractions concernées.
2 – Être subordonnée à un contrôle préalable effectué soit par une juridiction, soit par une entité administrative indépendante, sauf en cas d’urgence dûment justifié. Ce contrôle doit assurer un juste équilibre entre, d’une part, les intérêts légitimes liés aux besoins de l’enquête dans le cadre de la lutte contre la criminalité et, d’autre part, les droits fondamentaux au respect de la vie privée et à la protection des données à caractère personnel.

Enfin, la personne concernée doit être informée des motifs sur lesquels repose l’autorisation d’accéder à ses données, dès que la communication de cette information n’est plus susceptible de compromettre lesenquêtes

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CJUE – Arrêt C-446/21

Un réseau social en ligne tel que Facebook ne peut utiliser l’ensemble des données à caractère personnel obtenues à des fins de publicité ciblée, sans limitation dans le temps et sans distinction en fonction de leur nature

Dans un arrêt publié ce jour, la Cour de Justice a estimé que :
1- Le principe de la « minimisation des données », prévu par le RGPD, s’oppose à ce que l’ensemble des données à caractère personnel qui ont été obtenues par un responsable du traitement, tel que l’exploitant d’une plate-forme de réseau social en ligne, auprès de la personne concernée ou de tiers et qui ont été collectées tant sur cette plate-forme qu’en dehors de celle-ci soient agrégées, analysées et traitées à des fins de publicité ciblée, sans limitation dans le temps et sans distinction en fonction de la nature de ces données

2- La circonstance qu’une personne concernée a rendu manifestement publique une donnée concernant son orientation sexuelle a pour conséquence que cette donnée peut faire l’objet d’un traitement, dans le respect des dispositions du RGPD. Toutefois, cette circonstance n’autorise pas, à elle seule, le traitement d’autres données à caractère personnel se rapportant à l’orientation sexuelle de cette personne. Ainsi, la circonstance qu’une personne se soit exprimée sur son orientation sexuelle lors d’une table ronde publique n’autorise pas l’exploitant d’une plate-forme de réseau social en ligne à traiter d’autres données relatives à son orientation sexuelle obtenues, le cas échéant, en dehors de cette plate-forme.

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CJUE – Arrêt C-21/23

Les États membres peuvent prévoir la possibilité pour les concurrents de l’auteur présumé d’une atteinte au RGPD de la contester en justice en tant que pratique commerciale déloyale interdite

Dans un arrêt publié ce jour, la CJUE a estimé :
1- Que le RGPD ne s’oppose pas à une réglementation nationale qui, au-delà des droits et des pouvoirs conférés par le RGPD aux autorités de contrôle nationales, aux personnes concernées et aux associations représentant ces personnes, permet aux concurrents de l’auteur présumé d’une atteinte à la protection des données à caractère personnel d’agir en justice contre lui, en raison de violations de ce règlement, sur la base de l’interdiction des pratiques commerciales déloyales. Au contraire, cela contribue incontestablement à renforcer les droits des personnes concernées et à leur assurer un niveau de protection élevé. Par ailleurs, cela peut s’avérer particulièrement efficace, dans la mesure où l’on pourrait, par ce biais, prévenir un grand nombre de violations du RGPD.

2- Que constituent des données concernant la santé au sens du RGPD les informations saisies par les clients (telles que leur nom, l’adresse de livraison et les éléments nécessaires à l’individualisation des médicaments) lors de la commande en ligne des médicaments réservés aux pharmacies, même lorsque la vente de ces derniers n’est pas soumise à prescription médicale.

En effet, ces données sont de nature à révéler, par une opération intellectuelle de rapprochement ou de déduction, des informations sur l’état de santé d’une personne physique identifiée ou identifiable, car un lien est établi entre celle-ci et un médicament, ses indications thérapeutiques ou ses utilisations, que ces informations concernent le client ou toute autre personne pour laquelle celui-ci effectue la commande. Partant, il est indifférent que, en l’absence de prescription médicale, c’est seulement avec une certaine probabilité, et non avec une certitude absolue, que ces médicaments soient destinés aux clients les ayant commandés. Opérer une distinction en fonction du type des médicaments et du fait que leur vente soit ou non soumise à prescription médicale serait contraire à l’objectif de protection élevée du RGPD. Par conséquent, le vendeur doit informer ces clients d’une manière exacte, complète et facilement compréhensible des caractéristiques et des finalités spécifiques du traitement desdites données et leur demander leur consentement explicite pour ce traitement.

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CJUE – Arrêt C-768/21

L’autorité de contrôle n’est pas obligée de prendre une mesure correctrice dans tous les cas de violation ni, en particulier, d’imposer une amende

Dans un arrêt du 26 septembre 2024, la CJUE a estimé qu’en cas de constatation d’une violation de données à caractère personnel, l’autorité de contrôle n’est pas obligée de prendre une mesure correctrice , en particulier d’imposer une amende administrative, lorsque cela n’est pas nécessaire pour remédier à l’insuffisance constatée et garantir le plein respect du RGPD. Tel pourrait être le cas, notamment, lorsque le responsable du traitement a, dès qu’il en a eu connaissance, pris les mesures nécessaires pour que ladite violation prenne fin et ne se reproduise pas.
Elle précise que le RGPD laisse à l’autorité de contrôle une marge d’appréciation quant à la manière dont elle doit remédier à l’insuffisance constatée. Cette marge est limitée par la nécessité de garantir un niveau cohérent et élevé de protection des données à caractère personnel par une application rigoureuse du RGPD.

Dans cette affaire, après avoir pris incidemment connaissance d’un incident concernant ses données, un client de la Caisse d’épargne a introduit une réclamation auprès de l’autorité compétente. A la fin de l’enquête, celle-ci a estimé non nécessaire de prendre des mesures correctrices à l’égard de la Caisse d’épargne. Le client a alors introduit un recours devant une juridiction allemande, en lui demandant d’enjoindre au commissaire à la protection des données d’intervenir contre la Caisse d’épargne et, en particulier, de lui infliger une amende. La juridiction allemande a demandé à la Cour de justice d’interpréter le règlement général sur la protection des données (RGPD) à ce sujet.

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CJUE – Arrêts C‑17/22 et C‑18/22

La CJUE estime que la jurisprudence nationale est une source possible de l’ « obligation légale » permettant de fonder un traitement

Dans un arrêt du 12 septembre 2024, la Cour a estimé, dans une affaire concernant la « nécessité » de divulguer des données à caractère personnel en lien avec des obligations de transparence en matière financière en Allemagne, que:
71. Il ne saurait être exclu que « le droit de l’État membre auquel le responsable du traitement est soumis », au sens de l’article 6, paragraphe 3, sous b), du RGPD, couvre également la jurisprudence nationale. Cependant, ainsi qu’il ressort du considérant 41 de ce règlement, il est exigé qu’une telle jurisprudence soit claire et précise et que son application soit prévisible pour les justiciables, conformément à la jurisprudence de la Cour.

73. En outre, […] encore faut-il que cette jurisprudence constitue une base juridique répondant à un objectif d’intérêt public, qu’elle soit proportionnée à celui-ci et que le traitement concerné soit opéré dans les limites du strict nécessaire, ce qu’il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier [voir, en ce sens, arrêt du 4 juillet 2023, Meta Platforms e.a. (Conditions générales d’utilisation d’un réseau social), C-252/21, EU:C:2023:537, points 134 et 138].

74 Il appartiendra ainsi à cette juridiction de déterminer, notamment, s’il n’existe pas de mesures qui, tout en permettant de garantir la transparence entre les associés de sociétés de personnes, telle qu’elle paraît découler du droit allemand, ainsi qu’il a été exposé aux points 18 à 22 du présent arrêt, seraient moins attentatoires à la protection des données à caractère personnel confidentielles des associés indirects de sociétés en commandite faisant appel public à l’épargne que l’obligation de divulguer ces données à tout autre associé qui en ferait la demande.

Disponible sur: eur-lex.europa.eu  Le dossier complet est également disponible.
Un commentaire complet de la décision vous est proposé par droit-technologie.org.

CJUE – Arrêts C‑182/22 et C‑189/22

Réparation du préjudice en cas de vol de données : la CJUE précise la distinction entre les notions de  « vol » et « d’usurpation » d’identité mentionnées dans le RGPD

Dans un arrêt publié ce jour, dans le cadre d’une question relative à la réparation du dommage susceptible d’être causé par une violation de données, la Cour a été amenée à préciser les notions de « vol » ou « d’usurpation » d’identité  évoquées aux considérants 75 et 85 du RGPD parmi une liste de dommages physiques ou matériels, ou de préjudice moral susceptibles d’être causés par une violation de données à caractère personnel.

La Cour de Justice de l’UE a estimé que:
55. Ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 29 de ses conclusions, les différentes versions linguistiques des considérants 75 et 85 du RGPD mentionnent les termes « vol d’identité », « usurpation d’identité », « fraude à l’identité », « abus d’identité » et « détournement d’identité » qui y sont utilisés indistinctement. Par conséquent, les notions de « vol » et d’« usurpation » d’identité sont interchangeables et aucune distinction ne saurait être opérée entre elles. Ces deux dernières notions donnent lieu à la présomption d’une volonté de s’approprier l’identité d’une personne dont les données à caractère personnel ont, auparavant, été volées.

56. De plus, comme l’a également relevé M. l’avocat général au point 30 de ses conclusions, parmi les différentes notions énoncées dans les listes qui figurent aux considérants 75 et 85 du RGPD, la « perte de contrôle » ou l’empêchement « d’exercer le contrôle » sur des données à caractère personnel sont distingués du « vol » ou de l’« usurpation » d’identité. Il s’ensuit que l’accès et la prise de contrôle sur de telles données, qui pourraient être assimilés à un vol de ces dernières, ne sont pas, en eux‑mêmes, assimilables à un « vol » ou à une « usurpation » d’identité. En d’autres termes, le vol de données à caractère personnel ne constitue pas, par lui-même, un vol ou une usurpation d’identité.

Après quelques explications supplémentaires Cour conclut que  « l’article 82, paragraphe 1, du RGPD, lu à la lumière des considérants 75 et 85 de ce règlement, doit être interprété en ce sens que, pour être caractérisée et ouvrir droit à réparation du dommage moral au titre de cette disposition, la notion de « vol d’identité » implique que l’identité d’une personne concernée par un vol de données à caractère personnel soit effectivement usurpée par un tiers. Toutefois, la réparation d’un dommage moral causé par le vol de données à caractère personnel, au titre de ladite disposition, ne saurait être limitée aux cas où il est démontré qu’un tel vol de données a ensuite donné lieu à un vol ou à une usurpation d’identité. »

Disponible sur: curia.europa.eu. Les dossiers complets sont également disponibles : C-182/22 et C-189/22.

CJUE – Arrêt C-178/22

Le juge chargé d’autoriser l’accès à des relevés téléphoniques pour identifier les auteurs d’une infraction, pour la poursuite de laquelle la loi nationale prévoit un tel accès, doit être habilité à refuser ou à restreindre cet accès 

Dans un arrêt du 30 Avril 2024, la Cour de Justice de l’UE a jugé que selon la loi italienne, le délit de vol aggravé fait partie des infractions justifiant l’obtention de relevés téléphoniques auprès d’un fournisseur de services de communications électroniques sur autorisation préalable d’un juge. Elle estime que  l’ingérence dans ces droits fondamentaux causée par l’accès à des relevés téléphoniques est susceptible d’être qualifiée de grave et confirme qu’un tel accès ne peut être accordé qu’aux données de personnes soupçonnées d’être impliquées dans une infraction grave.

La Cour précise qu’il incombe aux États membres de définir les « infractions graves » aux fins de l’application de la directive en question. La législation pénale relève en effet de la compétence des États membres pour autant que l’Union n’ait pas légiféré en la matière. Elle précise également que les États membres ne sauraient dénaturer cette notion et, par extension, celle de « criminalité grave », en y incluant des infractions qui ne sont manifestement pas graves, au regard des conditions sociétales de l’État membre concerné, alors même que le législateur de cet État membre a prévu de les punir d’une peine de réclusion maximale d’au moins trois ans.

Enfin, la Cour estime qu’afin, notamment, de vérifier l’absence d’une dénaturation de la notion de « criminalité grave », il est néanmoins essentiel que, lorsque l’accès aux données conservées comporte le risque d’une ingérence grave dans les droits fondamentaux de la personne concernée, cet accès soit subordonné à un contrôle préalable effectué soit par une juridiction, soit par une entité administrative indépendante. Ainsi, le juge chargé d’autoriser cet accès doit être habilité à refuser ou à restreindre ledit accès lorsqu’il constate que l’ingérence dans les droits fondamentaux au respect de la vie privée et à la protection des données à caractère personnel causée par ledit accès est grave alors qu’il est manifeste que l’infraction en cause n’est pas grave au regard des conditions sociétales prévalant dans l’État membre concerné.

Disponible sur: curia.europa.eu  Le dossier complet est également disponible.
Cette courte introduction est susceptible d’avoir été traduite de manière automatisée

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